Souvenons-nous - Ford Taunus 17M.

Dimitri Haulet, Philippe Haulet    2023-05-25 16:13:45   

La Ford Taunus est celle dont je rêvais pour mes parents.

Aujourd’hui, je concrétise ce rêve.




Si la passion est le moteur pour devenir centenaire, ce Monsieur passera allègrement le cap.

Ecoutons-le évoquer ses souvenirs, notamment concernant la Taunus.

« La passion des anciennes voitures m’est venue tout petit et je ne sais pas pourquoi.
Je vis en Afrique au Rwanda, au Kivu la partie plus belle et la plus riche. Notre région exploite surtout des plantations de café, de thé, de quinquina très utile pour lutter contre la malaria.
Paludisme.
Malgré les cachets administrés journellement par ma maman, je fais la maladie sans jamais connaître de rechute. Je me souviens m’être levé sans problème et à midi, retourné au lit grelottant de fièvre.

L’attrait des voitures m’est venu car j’ai fait de l’anthropomorphisme : je croyais les voitures vivantes.
Mon papa est un des moteurs de cette croyance. A 4 ou 5 ans, j’ai reçu l’album ‘Tintin au Congo’ et je lui demande :
  C’est quoi la voiture de Tintin ?
  Une Ford T, une vieille Ford...
Je connais la Ford 1948 de papa dans laquelle nous roulons et je comprends que notre Ford actuelle ressemblera à celle de Tintin.
Ford 1948.

A cette époque au Rwanda, peu de voitures circulent. Les autos dont les propriétaires se séparent sont abandonnées sur les côtés de la route. Elles servent de terrain de jeu aux enfants et de magasin de pièces de rechange.
Avec une garde au sol élevée sur des routes en très mauvais état, les Ford sont considérées comme les meilleures voitures pour les broussards, face aux Chevrolet et aux Plymouth.

Henry Ford 1er aimait la campagne, les fermiers. Il a construit de tracteurs FordSon.
FordSon.

Cette influence se perpétue pour les voitures. Preuve de son attrait pour la campagne, il part souvent accompagné de deux amis se débrouillant seuls, à la sauvage, au contact de la nature.
Ses deux amis sont Thomas Edison et Harvey Firestone. Ainsi, jusqu’au début de ce 21ième siècle, les Ford sont montées de pneus Firestone.


Après la guerre, les matériaux manquent et des éléments sont fabriqués en zamac, alliage qui coûte peu. Malheureusement, ils sont de piètre qualité et s’abîment vite.
Zamak.

En 1946,1947 et 1948, les constructeurs liquident leurs stocks.
Les nouveaux modèles arrivent en 1949 sauf pour quelques marques d’exception comme :
• Nash qui sort en 1948 des voitures totalement nouvelles.
Nash 1948.
• Studebaker bien connu en Belgique par son importateur d’Ieteren qui les expédie au Congo, notamment à Bukavu où elles sont très nombreuses. Studebaker est un bon constructeur mais sa production est plus faible que les grands. Obligé de réduire les frais, la qualité s’en ressent.
• Hudson aussi sort en 1948, la Step Down.
Hudson Step Down 1948.

C’est une voiture avant-gardiste. Elle gagne toutes les courses de stock-car, solide, rapide, avec une excellente tenue de route grâce au centre de gravité très bas.
Juste après la guerre, je mets aussi en exergue Kaiser et Frazer.
Kaiser-Frazer.

Kaiser est un industriel qui construit des ponts et des péniches de débarquement. Frazer a le génie de la vente. Leur association dure quelques années. En 1946, ils sortent une voiture à la ligne Ponton en avance sur l’époque. Par exemple, pas de poignées de portes qui peuvent blesser en cas d’accident mais des boutons-pression.
Ligne Ponton.

Marque Kaiser-Frazer.

Kaiser Manhattan
1953 - 1953

Tout aussi avant-gardiste, Tucker.
Tucker.

En cas de tonneau, les pare-brise sont éjectés. Le tableau de bord en caoutchouc-mousse amortit le choc. Des ceintures de sécurité sont présentes.

Conscients de cette concurrence, Ford suivi par GM et Chrysler causent la perte des indépendants comme Hudson, Nash, Studebaker.

En famille, nous vivons en Afrique et mon père dispose d’une Ford 1948 et ma mère, d’une VW Coccinelle. Achetée neuve chez d’Ieteren en 1955, la Coccinelle arrive par bateau au Rwanda, traverse la Tanzanie en train, reprend le bateau pour traverser le lac Tanganyika.
Maman, ma soeur et moi l’accompagnons.
Elle est déchargée à Usumbura le soir du réveillon de Noël 1955. Mon père nous y attend avec Boni, le chef des boys.

Après un périple de 6 mois en Europe, le retour à la maison, les retrouvailles avec mon père sont un moment magique, un des plus beaux souvenirs de ma vie.
Mais tous les hôtels sont complets. En effet, les blancs en brousse toute l’année reviennent en ville à cette occasion.
Nous trouvons une chambre à la mission catholique. Je partage le lit avec ma sœur. Je garde un bon souvenir de cette nuit.

Le jour de Noël, la Coccinelle est débarquée et nous prenons la route de Bukavu, maman et ma sœur en Coccinelle, mon père et moi en Ford 48.

A notre retour d’Afrique après l’indépendance, ma vie s’est cassée. Tous mes amis africains et autres sont perdus pour moi. Mon univers, la maison, nos chiens, les paysages, le lac Kivu, tout est perdu. Nous vivons provisoirement dans un appartement horriblement moderne à Bruxelles.
C’est plus qu’un dépaysement, la perte de mes racines. Je me raccroche à ce qui me rappelle l’Afrique.

Un jour me promenant à Etterbeek, je vois une voiture qui me laisse pantois. Je la regarde de près et je découvre LA ‘Ford Taunus’. Je suis sous le charme. De couleur noire, je lui trouve une beauté extraordinaire.


En 1963, au terme du bail des locataires, nous quittons l’appartement pour emménager dans la maison de mes parents. Et mon père ajoute que nous pouvons acheter une nouvelle voiture puisque nous avons un garage. Je souhaite qu’il achète une voiture américaine. C’est exclu à cause du garage et des difficultés de parking en ville.
Je me rabats sur la Ford Taunus. J’entame une vraie campagne de persuasion.

Un dimanche, mes parents et moi partons en balade. Au retour vers Bruxelles, nous suivons une Ford Taunus avec 4 passagers.
Je dis et répète : « Qu’elle est belle ! »
Mon père trouve la suspension arrière molle. Je rétorque que les passagers doivent être très gros…


Un peu plus loin, la Ford Taunus est arrêtée au bord de la route, capot levé et je ne suis pas fier.


Le temps passe et l’achat devient pressant. Mon père veut une nouvelle voiture. Il trouve la Taunus ni laide, ni belle mais convenant à nos besoins.
Quand nous recevons la visite d’une dame pour la présenter, mon père et moi embarquons pour un essai. Nous sommes satisfaits. Mon père précise à la dame qu’il va en discuter avec son épouse.
La dame propose de revenir dans une heure pour signer le bon de commande.


Hélas, trois fois hélas ! Un électricien travaille dans la maison et interpelle mon père : « N’achetez pas la Taunus, j’en ai eu une et c’est la pire voiture que j’ai connue. »
Mon père est refroidi et renonce à la Taunus.

A ma grande déception, il achète une Vauxhall et ne connaît que des ennuis !! En revanche, un oncle a choisi la Taunus et en est enchanté.

En 1970, je suis étudiant en droit et mon père me propose l’achat d’une vieille voiture pour 2000FB. Je n’ai pas cet argent et mon père insiste.
« C’est une bonne affaire et je te les donne. »

Ainsi, j’achète ma toute première vieille voiture, une Mercedes 170S de 1953, avec les phares extérieurs comme ceux de moto, les portes avant ‘suicide door’, 1700kg.
’Mercedes 170S 1953’.

’Suicide door’.

Peu puissante, j’étais sujet aux rouspétances des autres conducteurs. Elle n’avançait pas mais elle m’a procuré beaucoup de bonheur.
Aujourd’hui, je satisfais ma passion avec l’achat de cette Taunus.


Grâce à ‘La Vie de l’Auto’, j’en dispose aujourd’hui. Celle-ci, je l’ai achetée en France. La restauration est parfaite.
Ce modèle propose le choix entre trois moteurs, 1500, 1700 et 1800CC. La mienne est un 1700CC, 72 CV, le modèle le plus vendu et sans doute, le meilleur.


La Taunus a été vendue en Belgique et immatriculée pour la première fois le 8 avril 1964. Elle est partie en France et revient chez nous depuis quelques mois.
Sa couleur d’origine, si particulière, évoque pour moi la publicité de cette époque. Brigitte Bardot en maillot y serait à sa place. »

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Vos commentaires

  • Le 26 mai 2023 à 10:41, par Vausort En réponse à : Souvenons-nous - Ford Taunus 17M.

    Très bonne idée de mettre ces liens qui permettent de se documenter lors de la lecture de l’article. A refaire...

  • Le 26 mai 2023 à 14:36, par Rudy Pilloy En réponse à : Souvenons-nous - Ford Taunus 17M.

    J’ai très bien connu cette voiture, elle était blanche voiture de mes grands parents maternel dans les années 1960 nous allions souvent a Vieux -Genappe rendre visite chez le frère de maman, voiture puissante et confortable surtout dans les pavés de l’arbre de la justice vers villers-ville en oubliant pas de boire un Geuze au chalet de la forêt.

  • Le 29 mai 2023 à 11:53, par Philippe Haulet En réponse à : Souvenons-nous - Ford Taunus 17M.

    Rudy,

    Boire ou conduire, il faut choisir !!!

    Et je ne veux pas couper les cheveux en quatre ...

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