RENE MILHOUX " RECORDMAN DES RECORDS "

Jean Van Der Rest    2003-02-06 00:00:00   


Nous vous avons conté en décembre, les exploits de ce pilote de vitesse pure des années 30, dans les deux premières époques de ses records de vitesse et ses victoires en compétitions, respectivement sur Ready et Gillet. Nous sommes en 1930, René Milhoux vient d’être engagé par la FN comme leader de l’équipe courses.

L’époque F.N.

1931 ; le travail de la nouvelle équipe va conduire Milhoux et Tacheny (créateur du circuit de Mettet) à battre pendant la première année, 41 records de vitesse, rien qu’en 350 cc. Ce qui leur vaudra le "Prix Fernand Jacobs" (actuel prix du Mérite Sportif) récompensant le plus bel exploit sportif de l’année.

1932 le team FN au paddock.

La même année, en courses et Grands Prix, Milhoux et ses coéquipiers vont aligner 30 victoires. René tient beaucoup à associer les autres pilotes-collègues, et souvent amis, à ses succès.

1933 la M.200
Le record du monde de vitesse absolue !

1932 et 33 vont voir la confirmation de la marque sur les circuits, par le nombre de victoires des Demeuter, Colette, Edison qui viendront s’ajouter à celles de Tacheny, Milhoux et Moutschen. Plus de 50 au total.
Mais la crise économique se durcit. Hitler vient d’arriver au pouvoir. Nos hommes politiques zigzaguent. Le pouvoir d’achat diminue. Il faut intensifier la recherche en bas de gamme et frapper un grand coup publicitaire.
1934 sera aussi à la FN l’année du développement de la M.86 en différentes versions. De nombreux éléments de celle-ci équiperont la M.500 à compresseur avec laquelle René Milhoux va bientôt frapper le coup publicitaire souhaité et attendu par la FN.

1934 la célèbre M.86 500cc
1937 la M.11 (1937-1940)

Ce sera fait le 22 avril sur la ligne droite de Bonheiden (Malines). Tentative de battre le record du monde de vitesse absolue détenu par l’allemand Ernst Henne sur BMW.
Il va le battre de plus de 10 km/h, à 224 km/h 019. Mais 1934 sera aussi l’année des malheurs pour René et pour l’équipe courses de la FN.

Un mois à peine après le record du monde, la direction donne instruction à trois de ses pilotes, Demeuter, Noir et Milhoux de se préparer pour le G.P. d’Allemagne en juillet prochain. Celui ci se court hélas, le même jour que le G.P. de Suisse.
Trois jours avant la date - à la veille du départ de la fabrique - ordre est donné à Milhoux de courir en Suisse et laisser l’Allemagne à ses deux collègues et amis. Pol Demeuter (30 ans) vient d’enlever le titre de champion d’Europe, et Noir (25 ans) est le pilote qui monte et ne quitte pas les 3 premières places aux arrivées depuis le début de l’année. Mieux, il y a trois semaines au championnat de Belgique, ils ont fait "trio" en 500 cc inter.
 1er Demeuter,
 2ème Milhoux,
 3ème Noir.

la FN du record du monde

Nos trois compères s’étaient jurés de refaire le coup en Allemagne ! Seul l’ordre pourrait changer mais la technique de course afin d’assurer l’arrivée à trois, était préparée. Ils ne seront donc que deux au départ puisque René a reçu ordre de courir le G.P. de Suisse.

Aux derniers essais, nos deux belges sont en piste. Demeuter va déraper sur une flaque d’huile et se blesser mortellement. Noir qui le devançait n’a rien vu. Au tour suivant, et au même endroit à l’entrée du virage, sa moto échappe à son contrôle sur la même flaque, il percute un arbre et est tué sur place. L’apprenant avant le départ, René, abasourdi, ne fait pas de résultat en Suisse. Il vient de perdre ses deux amis et l’équipe courses de la FN est décapitée. A la suite de quoi, la structure de l’équipe va être modifiée.

Vers la victoire (224 km/h) en 1934

L’on va dorénavant mettre à disposition de pilotes confirmés, les machines qui gagnent et qui sont d’une grande fiabilité. Une dizaine de gaillards triés sur le volet vont ramener 45 victoires en compétitions.
En vitesse pure, Milhoux reste le maître. Il fait le plus souvent équipe avec Charlier (qui roule sous ce nom d’emprunt... parce papa est ministre et ne souhaite pas que...). A eux deux, ils ramènent dans la même année, 30 records du monde en 500 cc. Les deux hommes vont ensuite continuer de rouler en solo pour la marque et ramener coupes et Grands Prix l’année suivante. Au plus fort moment de la crise (1936), l’équipe courses de la FN détenait encore à elle seule, 79 records du monde !

Charlier continuera de piloter pour la FN jusqu’à la déclaration de guerre. René Milhoux quittera la "fabrique" en ’38 pour devenir administrateur-fondateur des Ets Moorkens avec Albert Moorkens.

En citant ce nom, René regarde l’heure et c’est André Milhoux qui tout en souriant nous dit : ’’c’était l’heure à laquelle, jusqu’à 94 ans mon père quittait la maison pour se rendre à son bureau’’. Partant de Rixensart, pour rejoindre l’autoroute d’Anvers, notre champion faisait en sorte de se trouver sur le périphérique de Bruxelles après les encombrements de la matinée.

"J’ai toujours respecté le 120 à l’heure, par attention pour les miens et par respect pour les autres", précise-t-il.
Avant de nous quitter, une question : quelle est la motivation principale qui vous a amené à un tel palmarès en onze années consécutives ? La réponse fut comme l’homme, simple et directe : "c’était mon métier !"

Quand le "Diable blanc" rencontre l’homme de Dieu...

La guerre va tout interrompre et au lendemain de celle-ci (1949), la Belgique vient de terminer un tronçon de l’autoroute de la mer, Aalter-Jabbeke. Milhoux (44 ans) qui s’il s’est écarté de la compétition, n’en a pas quitté la moto pour autant, va retrouver son ami italien Luigi Cavanna sur cette "piste" récente ayant moins d’1% de déclivité pour tenter chacun, un record théoriquement à leur portée. Cavanna, celui du km départ lancé sur une 125 cc, et Milhoux (toujours recordman des records) celui du 5km départ lancé, avec une Vincent HRD 1000 cc avec side lesté d’un poids de 61 kilos comme le précise le règlement international.
Les 2 records seront battus. Milhoux, les 5 km à 203 de moyenne et Cavanna le km à plus de 161 à l’heure, avant de charger, sans tarder, sa moto (une F.B. Mondial) et rejoindre son couvent en Italie, duquel le moine qu’il est, n’a le droit de sortir que pour tenter les records de vitesse pure alors que la compétition de classement lui est interdite. Ce qui confirme bien, que Dieu a ses raisons que la raison de l’homme ignore !
A noter que pour la circonstance, l’équilibre était respecté puisque l’homme de Dieu et notre "diable blanc" se sont rencontrés. Ce jour là, le sport n’aura pas rapproché que les peuples.

INCROYABLE MAIS VRAI !

Il se fait qu’en préparant l’interview, nous avions retrouvé une photo sur laquelle Milhoux affichait un magnifique pansement lui barrant la joue sur toute la hauteur du visage...
D’où notre question : "300 victoires, mais combien d’accidents Mr.Milhoux ?"

Milhoux, père et fils !

Regard étonné de René et sourire de son fils André. Réponse : "aucun ! Je n’ai jamais eu d’accident !"

Nous nous regardons et posons à nouveau notre question, pour nous entendre répondre : "Oh oui, si vous voulez ! C’était à Francorchamps en ’34 je crois, aux essais. Je descends de moto, je cale mal ma béquille et une fois le dos tourné, la moto bascule et me tombe sur le pied. J’ai eu mal à la cheville pendant quelques jours !"

Nous devons afficher le doute sur nos visages, car il nous regarde étonné et c’est nous qui lui précisons avoir eu entre les mains une photo sur laquelle son visage avait été sérieusement touché. C’est là que sans sourire, il nous précise :"Hé bien oui, c’est lors de cet accident là !"
André observe sans intervenir. Il devait être trop jeune que pour s’en souvenir. Nous faisons observer qu’entre la cheville touchée et le visage blessé... il doit s’agir d’un autre accident !

"Non, du tout, c’est bien le même, mais touché à la cheville j’ai chuté tête en avant ... sur la boite à outils de mon mécanicien !"

Et d’ajouter : "c’était avec cette moto-ci" en nous montrant la photo de cette 500 cc FN avec, entre selle et guidon, le fiston de six ans qui quelques années plus tard assurera la relève en cross et trial avant de passer à l’automobile. Mais ça, c’est une autre histoire...

Chapeau Monsieur René Milhoux. Le monde de la moto n’est pas prêt à vous oublier.

A bientôt André !

Interview de Jean VAN DER REST

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