Sous le déluge, le rallye : Legend Boucles@Bastogne 2020

Raymond Collignon    2020-02-11 15:56:23   


Sortant à peine des commémorations de la bataille des Ardennes, la cité bastognarde a remis le couvert en ce début février accueillant dans ses forêts une autre bataille, beaucoup plus pacifique mais aussi intense.

Les plus belles voitures de rallye historiques au monde étaient là une fois de plus pour participer à cette merveilleuse fête des boucles de Bastogne, sans se prendre vraiment au sérieux, rien que pour le plaisir.

Comme annoncé, nous avions décidé d’y engager pour Automag la Volvo 122 S Amazon 1965 dans la catégorie « classics 50 », la plus proche du retour aux sources.

Pour respecter au mieux l’état d’esprit d’époque nous avions aussi décidé de rouler sans aucun instrument de navigation hors de celui de distance, juste avec un chrono et des tables pour les vitesses. Nous étions quelques un à avoir suivi cette voie sans contraintes ni contrôle, juste pour satisfaire le grain de folie qui nous habite.

Pas de classement officiel pour ce petit challenge hors classement officiel organisé par Arnaud Vandermeulen et GlenWood mais une veste « Francorchamps » et une bouteille de champagne à gagner.

Le déluge sur Bastogne. 

Dès samedi après les contrôles techniques du vendredi, le rallye démarre sur les chapeaux de roue. Les vedettes des « Légend » partent dans un sens alors que les classics, (60 et 5O kms), s’en vont dans l’autre.

Ce système évite les embouteillages et la saturation des étapes. Dans notre catégorie, nous sommes lâchés de trente en trente secondes, les autres s’envolant de minute en minute.

Ce n’est pas de la pluie, c’est un vrai déluge qui nous tombe dessus. Les essuie glace de la Volvo sont vite dépassés, on n’y voit goutte, c’est le cas de le dire…

Le samedi, en classe 50, les premières spéciales de jour sont assez faciles, il faut juste s’appliquer pour le respect à tout moment des moyennes.

photo : Sébastien China

Arnaud me donne les tops tous les deux cents à trois cents mètres en fonctions des tables de moyennes dont nous disposons. Nous prenons le rythme très rapidement, la synchronisation de l’équipage est quasi parfaite sans aucun entrainement.

Les routes du samedi sont majoritairement sur asphalte avec quelques passages terreux, l’adhérence des Gislaved de série que nous avons montés est excellente. Il faut dire aussi que la motricité de la Volvo est surprenante, on doit la brusquer pour la mettre de travers, sa grande efficacité est probablement son secret. Principalement sur la neige, elle a prouvé de nombreuses fois ses qualités, notamment aux six Monte Carlo auxquels elle a participé avec d’excellents résultats.

De retour pour un premier passage à Bastogne, toujours sous une pluie d’enfer, nous faisons un premier bilan. A notre très grand étonnement nous sommes classés deuxième derrière la très belle Porsche des Barthelemy que nous avons repérée à sa plaque suisse de Zurich.

photo : Sébastien China

En réalité ces concurrents sympathiques sont …Eupenois, ils nous ont expliqué que la voiture est immatriculée en suisse par facilité d’immatriculation en fonction de ses transformations. C’est bien la première fois que nous entendons dire que la Suisse est plus facile que la Belgique en matière de règlementations routières…

Les premières terres et la règle des pneus. 

L’étape de Vaux sur Sure montre les premiers tronçons de terre, là, il faut déjà se cracher un peu plus dans les mains, même si la Volvo reste étonnamment stable en toutes circonstances. A ce sujet, il faut dire que nous aurions pu nous engager en 60 mais que si nous l’avons fait en 50 c’est avant tout pour protéger la belle suédoise sachant ce qui l’attendait dimanche. Les étapes sur terre du lendemain nous prouveront d’ailleurs que nous avons eu raison…

La Volvo à son aise sur le « gras mouillé » !

Le règlement impose à tous des pneus neige de série, leur seul défaut est une relative fragilité des flancs sur ces terrains pierreux, tout l’art est donc d’éviter les crevaisons sachant qu’en pleine spéciale changer une roue s’avère dangereux et compliqué.

En suivant les « légend » nous constatons que les trajectoires des cadors sont souvent très « cordes » mais aussi extérieures avec balades dans les campagnes, un beau troupeau d’excités… cela explique beaucoup les sorties de routes nombreuses et les crevaisons à gogo.

Finalement les plus rapides sont ceux qui restent en parfait équilibre sur la route, la règle est simple mais l’art est difficile ! Les « Legend » verront d’ailleurs deux spéciales annulées suite à de gros et malheureux accidents alors que les classics parcourront tout l’itinéraire.

Sortie de route, trop de notes à la fois… 

La nuit est tombée, il pleut toujours… un deuxième tour identique au premier durant une bonne partie de nuit.

Les chaussures d’Arnaud, il a bien donné
pour sortir la Volvo de son champs de boue…

Malheureusement, alors que le rythme est assez rapide avec une visibilité franchement mauvaise, une voiture égarée nous suit avec ses gros phares. Arnaud m’annonce un T gauche pour un T droit, il se trompe dans une confusion pardonnable, le temps de réagir, et la Volvo se retrouve dans un champ de boue liquide… Impossible de la faire bouger, elle s’enfonce de plus en plus… Arnaud gicle dehors, hurle, s’énerve, pousse mais la voiture ne bouge plus, cela semble bien foutu… Il disparait, il hurle dans la nuit, personne ne bouge…c’est le désert à l’exception de deux commissaires qui refusent de nous aider, règlement oblige ?

Finalement le miracle … un spectateur venu de nulle part arrive avec une corde. Arnaud et ce costaud inconnu arrivent à la seule force des bras à faire bouger la tonne de la voiture, gaz à fond en marche arrière, elle se retrouve sur la route…ouf !

Merci spectateur inconnu ! Fais toi connaître on boira un verre à ta bonne santé, qu’il te fallait avoir pour tirer si fort sur ta corde !

Arnaud est épuisé, il souffle, il râle, il n’a plus d’air pour respirer…

Nous devons nous arrêter pour qu’il puisse dégueuler tout ce qui lui restait sur l’estomac… Il est allé au delà de ses limites, mais nous en sommes repartis. Son acharnement et sa volonté ont été formidables !

Dimanche, il pleut toujours, Terre, Terre, Terre ! 

Le dimanche est consacré aux étapes sur terre. Quelques concurrents les redoutent d’autres sont là pour ça !

Notre Volvo fait plutôt partie de la deuxième catégorie avec cependant une pointe d’appréhension pour les crevaisons, qui sont en général très nombreuses dans ces conditions.

Nous avons dégringolé au classement général mais nous repartons le couteau entre les dents. En tête des classic 60 les très rapides Joseph et Patrick Lambert dominent avec dans leurs échappement les multi vainqueurs Marc Van Dalen et Julien Minguet, à leur aise en général sur la terre avec une Escort bien affutée. La meute suit…plus de 160 voitures… !

Marc Van Dalen au travail, ils termineront 2ème sur les 160 concurrents

Rien n’est fait, c’est en général le dimanche que cela se passe.

Il pleut de plus en plus fort, quand on parle de terre c’est plutôt boue qu’il faudrait dire. Quelques fois le chemin est une mare dans laquelle il faut deviner la trace.

Il y a de nouveau quelques sorties de route, à gauche et à droite, les épaves s’alignent, les équipages nous font signe que tout va bien.

Au départ de la spéciale Gulf, Dominique Dufrasne, penaud sous la pluie, nous annonce qu’ils sont sorti dans une gauche, heureusement sans mal pour eux même si l’équipière Isabelle Dogne a eu très chaud du mauvais côté des arbres…et la Golf est bien démolie.

L’air de rien nous avons trouvé notre rythme.

L’équipage en pleine concentration plus de 1400 notes pour remplacer le calculateur électronique

Le grand juge approche la fameuse spéciale des « hautes virées » Libin 40 KMS majoritairement sur terre, ornières et pierres, elle porte bien son nom, la « virée » est longue et vicieuse, les voitures sorties s’alignent dont celles du gros crasch des « légend ».

Miraculeusement nous en sortons sans trop de problèmes, Arnaud dit les notes comme un métronome, la Volvo ronronne, le stress nous quitte … en plus nous y faisons le scratch de notre groupe !

Nous remontons au classement, la journée est longue, les dernières spéciales approchent Saint Hubert… Libramont et sa spéciale. Cent pour cent terre, elle est cassante, étroite, pierreuse plusieurs voitures y crèvent…la punition du changement de roue à quatre pattes dans la boue…

Bain de boue …

Nous en sortons sans trop de problèmes, miracle, les Gislaved ont tenu et nous alignons un très bon temps.

Retour à Bastogne, la panne, le podium. 

Il ne reste qu’une trentaine de kms sur autoroutes pour rentrer à Bastogne.
Là le moteur se coupe ! La panne stupide, un problème de vis platinées que nous arrivons à solutionner avec un tournevis comme grattoir pour nettoyer les vis, la chance à nouveau nous sauve !

Telle une fusée… :-)

Nous arrivons à Bastogne, nous pensons être quatrièmes mais en réalité sur le fil nous sommes remontés à la troisième place… Podium formidable et inattendu !

La foule au pied du podium d’arrivée est enthousiaste, nous vivons là une véritable communion entre équipage et public, c’est aussi un des miracles de Bastogne, du vendredi au dimanche la complicité avec le public est totale. Les Lambert en classic 60 ont maintenu leur avance, une belle victoire pour Joseph et Patrick, père et fils complices, leur bonheur faisait plaisir à voir.

Trophée sans instruments victoire de la Volvo. 

Nous remportons le trophée Gentlemen Glenwood sans instrument de navigation, sans le vouloir vraiment puisque qu’Arnaud en était à la base, mais juste pour le fun et pour l’honneur.

Plus de 1.400 données de temps annoncées par Arnaud au fil des deux cent vingt kms de spéciales. Une concentration maximum et une belle expérience à vivre ensemble, loin des calculateurs électroniques !

Nous avons vécu un superbe rallye, Bastogne a bien remplacé Spa, un beau défi réussi pour les organisateurs du Royal automobile club de Spa en conservant l’esprit des anciennes boucles même si dans nos têtes « mandarine » n’a pas tout à fait remplacé « Clémentine »

Texte : Raymond Collignon

BONUS !! La vidéo de Michaël Collardinho 47. La VOLVO Amazon avait embarqué 2 caméras, retrouvez la RT2 Vaux-sur-Sûres (0:19) une longue portion sur asphalte, parfois un peu monotone à 50km/h, mais parfois il faut relancer l’auto pour passer à zéro (11:16).
RT3 les Eoliennes (18:27). Ecoutez le copilote qui décompte, (29:50) "puis à fond quitter gauche !". A 34:27 changements de directions successifs les notes du copilote s’enchaînent.
RT6 Les Combes Show (39:42), on rattrape la Trabant (43:12) alors que nos temps sont bons, cela perturbe le pilote. On régule bien avec 4 secondes d’avance (45:10) deux autos derrière, on laisse passer 2 BMW et une Porsche, et on reprend la bonne cadence.
RT11 Remichampagne (55:09) une belle spéciale sur de petits chemins en sous-bois (1:00:55) et un passage technique à la sortie du village (1:05:08) ; à 1:08:08 sortie du bois avec 5 secondes de retard.
RT12 Gulf Martelange (1:10:45) spéciale forestière avec quelques autos au fossé.
RT13 Eglantine (1:19:40) le terrain est cassant, beaucoup de cailloux. (12:28:50) il faut garder le rythme dans la sapinière.


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