Circuit de Nivelles-Baulers : une belle opportunité ratée !

Philippe Haulet    2014-06-20 23:45:50   


Circuit de Nivelles-Baulers : une belle opportunité ratée !

Malheureusement pour la région et pour tous les amateurs de sports mécaniques, c’est une triste réalité qui nous est racontée par Philippe Casse.

Visite de la D’Ieteren Gallery.

« Je m’appelle Philippe Casse,

j’ai grandi dans le monde automobile alors que ma famille n’y est pas professionnellement mêlée. Mon grand-oncle Robert Schimp, oncle commun de mon père et de Paul Frère, leur a transmis ses chromosomes en forme de bielles et de soupapes. Il habite Groenendael, cultive tomates et raisin. En 1926, sa femme meurt en couches de leur troisième enfant. Il ne se remarie pas et compte sur ses belles-sœurs pour élever ses 3 enfants. Il occupe ses loisirs en s’intéressant aux voitures anciennes. A 10, 11 ans, j’ai la permission d’aller d’Uccle à Groenendael à vélo passer ma journée chez lui. C’est ainsi qu’il m’apprend à parler aux boulons en l’aidant à travailler sur ses voitures anciennes. Il fut aussi un des fondateurs du ‘Veteran Car Club’.

Royal Veteran Car Club Belgium.

Voilà ce qui explique ma passion pour les voitures anciennes.

Plus elles sont vieilles et plus je les aime, les voitures et non les femmes … disent les mauvaises langues !

Mon père assiste aux grands prix de Belgique avant-guerre, notamment celui de 1939, avec une deuxième place pour l’Auto-Union.

Grand Prix automobile de Belgique.

Après la guerre, Hubert de Harlez et mon père relancent le rallye à la commission sportive nationale du RACB.

Il devient très ami avec Alain de Changy, importateur d’Alfa Roméo, Lotus, Rolls-Royce et Bentley. Ensemble, ils fondent la commission nationale des commissaires de route. Je deviens ainsi commissaire de piste.

Alain de Changy.

Un de nos voisins à Uccle s’appelle Yvan Dauriac. J’ignore sa carrière professionnelle mais je sais que l’idée initiale de créer le circuit de Nivelles est la sienne, vers 1964, 1965.

Avec mon père et quelques autres personnes, il rencontre le bourgmestre d’Elouges près de Dour. Ils veulent utiliser deux terrils pour en faire un circuit semblable à celui de Laguna Seca.

Laguna Seca.

Le bourgmestre refuse, il craint une mauvaise influence pour sa jeunesse…
La déception dure jusqu’au moment où ils apprennent que la C.A.S. de Nivelles dispose de terrains pouvant couvrir plus de la moitié des besoins de leur projet. Un circuit à côté de Bruxelles, c’est magnifique ! Les contacts s’établissent et arrivent deux investisseurs :

• Le vicomte de Jonghe d’Ardoye.
• Robert Benoît, patron d’une entreprise de 180 personnes, spécialisée en pavage.

Le projet avance. Le patron de Zandvoort, John Hugenholtz, dessine le tracé.

John Hugenholtz.

Pour financer mes études, je travaille comme artisan-maquettiste-architecture. Je réalise la maquette du circuit avec la piste en gris foncé et le pourtour public en blanc. Vers 1970, le circuit est construit et très bien accueilli par le conseil communal. Mon père devient le vice-président du N.R.O., Nivelles Racing Organisation et directeur de courses. Je suis régulièrement pilote de la voiture d’intervention, entre autres une Austin Allegro. Les deux G.P. sont gagnés par Emerson Fittipladi et j’y fais la connaissance de James Hunt.

Emerson Fittipaldi.

Mais les ennuis arrivent.

Trois éléments jouent en défaveur du circuit :

• Il est situé sur une colline au Nord-Ouest de Nivelles et légèrement inclinée vers la ville.
• Le bruit est répercuté vers la ville.
• Un voisin, professeur d’université, est violemment opposé aux sports mécaniques.

Le changement de majorité politique au conseil communal va enclencher la disparition du circuit. Je cite les propos de mon père. Il semblerait qu’une machination ait exigé le remboursement des dettes du circuit aux premiers investisseurs, ce que le circuit a été incapable de faire. D’où la faillite.

Chronique d’une mort annoncée.

De cette époque, je n’ai pas de mauvais souvenir mais je regrette de ne pouvoir m’offrir une vraie voiture de course. Je roule sur ce circuit avec ma Coccinelle ‘assez lourdement’ transformée, pas en compétition, en démonstration. Je prends beaucoup de plaisir à voir les BMW 2002 derrière moi dans la crosse. Mais le circuit abrasif use les pneus. Mon budget d’étudiant ne me permet pas de grosses dépenses. Auprès de la Centrale Américaine, j’achète des Michelin Xas usagés et je suis ainsi un des seuls à rouler en ‘slick’.
Des grandes joies, je retiens, lors du GP de 1974, la rencontre de James Hunt et d’y avoir piloté une voiture d’intervention. Cette Austin Allegro me laisse un bon souvenir, agréable à conduire, visibilité phénoménale, un volant à 4 coins arrondis.

Quel gâchis !

A l’heure d’aujourd’hui, ( 2014 ), il manque 400 techniciens chez Audi Bruxelles. Imaginez un centre de compétences comme le Campus de Francorchamps à Nivelles, toutes les retombées économiques positives et l’intérêt des jeunes pour les études techniques qu’il aurait pu générer. Un excellent exemple de dynamique automobile est l’Angleterre grâce au nombre très important de circuits. Le même phénomène existe en France et en Allemagne. Le sport automobile a toujours permis de faire progresser la voiture de Monsieur Tout le Monde. Je reste persuadé que nous avons ‘raté le train’ avec sa disparition.
J’y passe encore régulièrement et à chaque fois, j’éprouve un pincement au cœur. »

Dimitri et Philippe Haulet.

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