Souvenons-nous de la Renault FE.

Philippe Haulet    2011-10-31 20:44:32   


Souvenons-nous de la Renault FE.

L’heureux propriétaire.

Michel, né le 12 juillet 1955. Conducteur de train pendant 33 ans et 10 mois, à la retraite maintenant.
Passions : les trains électriques, les vieilles voitures et les cartes postales concernant la Renault FE.
Première voiture à 17 ans, Citroën AC4 de 1930. « A l’époque, la voiture, le transport et la restauration m’ont coûté 50.000BEF. Impensable aujourd’hui ! Je disposais d’une auto avant le permis. La première voiture avec laquelle j’ai appris à rouler : Donnet Zedel. Mon papa disposait ‘une NSU mais c’était plus facile pour moi d’apprendre sur la Donnet Zedel. Elle a tellement de couple qu‘elle ne cale pas. »
Après la Citroën, sont venues une Renault MT de 1923 et une Delaunay-Belleville P4D de 1924.
Enfin, en 1984, la Renault FE, la seule en Belgique et une des deux connues en Europe !

Caractéristiques.

Marque : Renault.
Type : FE.
Numéro de châssis : 58584.
N° immatriculation de l’armée française : 179375.
Vrai véhicule militaire.
Puissance nominale/fiscale : 18/21 chevaux.
Torpédo ( décapotable ) militaire.
Moteur : 4 cylindres bi-bloc de 4535 cm3.
Longueur totale : 4,84m.
Empattement : 3,52m.
Largeur totale : 1,78m.
Voie : 1,50m.
Pneumatiques : 880x120.
Date de sortie d’usine : mars 1917 en châssis, numéro 84 du marché n° 920CV.
Prix global unitaire : 15.500For de 1917.
Carrosserie : 6 places du type torpédo d’Etat-Major, carrossée probablement par l’Armée Française.
Frein au pied : patin qui agit sur l’arbre de transmission.
Frein à main : 2 patins sur les roues arrière.
Donc, prévoir le freinage d’urgence …

“Elle roule à l’essence sans plomb, un mélange essence/pétrole a provoqué l’encrassement des carburateurs, elle roule sans problème avec un taux d’octane nettement supérieur à ce qui était prévu mais la chaîne de distribution a été décalée.”

Le démarrage est un rituel : graissage des queues de soupapes, remplissage au compte-goutte des petits gobelets avec de l’essence, amorçage du carburateur et le petit exercice à la manivelle …
Consommation : environ 30l aux 100km, réservoir entre 50 et 60 litres.
Sur le radiateur, le bouchon porte une vraie pointe de casque allemand.
La voiture est équipée de phares électriques Renault.

Michel, que dire de cette voiture ?

Toutes mes recherches sont faites sur place. J’y ai consacré 16 ans dans la France entière, de mars 1985 à novembre 2001. Elles représentent 20500km en train dont 10500km entre Bruxelles et Paris, 8000km en voiture, 200km en bus, 100km à pied, 10km en taxi.

Je peux ainsi connaître les propriétaires successifs et l’évolution de la voiture entre leurs mains.
De 1917 à 1920, l’Armée Française.
De 1920 à 1923, le Comptoir Central d’Achat Industriel de Valenciennes, filiale de Schneider. La voiture est immatriculée 9598D (Nord), le 14/9/1920.
De 1923 à ?, M. Charles Mauprivez, voiturier , loueur de voitures à Compiègne, immatriculée 8001Z6 le 18/7/1923.

Les lettres Z et Y représentent 14 départements dépendant de Versailles.
De ? à ?, M. Ernest Ganault, docteur à Vorges ( Aisne ), député, médecin-major.
De ? à ? M. Fernand Matton, ingénieur électricien à Chauny.
Restauration des jantes et du système électrique.

Depuis 1957, cette Renault est immatriculée en Belgique.
En septembre 1957, la voiture est vendue par la sœur du Docteur Ganault à M. Philémon Vermeire de Charleroi, immatriculation 2676E.

Restauration des sièges, des phares à acétylène, ajout de beaucoup de cuivre, la couleur vert clair est soulignée de bandes jaunes. Rien n’est fait au point de vue mécanique. Elle participe ainsi, au rallye du Vétéran Car Club.
En 1966, elle est vendue à M. Leroy et connaît 2 immatriculations 5B829 et 1S868.
En 1971, elle est rachetée par Michel Herman, pharmacien à Châtelet qui la repeint en rouge. L’immatriculation : 5JP76.

En décembre 1984, je l’achète en ignorant qu’il s’agit d’un véhicule militaire. Je la repeins en vert foncé.

Mes recherches affirment que la peinture est normalement le gris clair, gris artillerie. Donc, la nouvelle robe est gris clair. J’ai finalement décidé de retirer la caisse pour connaître la vraie couleur d’origine : gris bleuté mat.

Au point de vue mécanique, rien n’est fait car c’est très difficile à démonter et je crains de ne pouvoir redémarrer le moteur. J’essaye de la faire rouler une fois par mois.
La capote et les sièges sont refaits. J’ai aussi remis les pneus dans la monte d’origine. Ma volonté est de la remettre dans sa configuration militaire.
Les dossiers chronologiques Renault reprennent tous les types de voitures Renault construites entre 1890 et 1939. Je les ai achetés. J’ai ainsi constaté que la voie et l’empattement ne correspondent à aucun type de voiture. Je décide alors de pousser mes recherches. Chez Renault, le N° de moteur (951) m’a permis de trouver le N° de châssis 58584.

J’apprends que les champagnes Taittinger possèdent la voiture qui a servi au maréchal Joffre pendant la guerre. Le propriétaire de cette voiture, à la fin de la guerre, a demandé à récupérer son véhicule et l’armée a remplacé le châssis par un châssis militaire de 1917 et je trouve des similitudes entre cette voiture et la mienne, notamment l’essieu avant. J’ai compris ce jour-là que ma voiture avait été construite pour l’armée.
Pour information, Renault a construit 962 torpédos d’Etat-Major en monte simple AR 880X120, 24 breaks d’aviation monte double AR, 36 torpédos pour l’aviation monte double AR, 10 châssis pour voitures-dynamo-tracteur de projecteur BBT, 213 torpédos pour l’Armée Russe avec des pneumatiques 920x120, 515 châssis qui ont été vendus aux particuliers pendant la guerre et jusqu’à environ 1920.
Le break d’aviation permettait d’aller rechercher le pilote et l’avion lors des atterrissages en dehors du champ d’aviation car les avions ne disposent pas de jauge et l’atterrisage se produit en panne séche. Le pilote rentre dans un véhicule de grosse cylindrée et le break d’aviation permet de reprendre l’avion, ailes démontées sur la remorque et les ailes dans la camionnette.

Anecdotes.

La voiture de Michel a participé à deux films : Le pantalon et Le Président et la garde-barrière .

« Renault m’a fourni les informations de fabrication des FE et en collationnant ces informations avec les archives, je peux retrouver la trace de certains véhicules. Ainsi, un suédois rencontré sur internet possède aussi une Renault FE civile ( N° de châssis 83125 ) et j’ai pu lui fournir quelques informations sur la date de fabrication et différents propriétaires. Détail amusant : le dernier propriétaire français de cette voiture avait répondu par courrier, à ma demande d’informations. »

Dans la revue GBM N° 97 de 2011, apparaît la voiture de Michel.

Que dire encore ?

Il est impressionnant de voir ce véhicule sur la route, il est impressionnant d’être à l’intérieur mais choississez bien votre siège : les muscles pour tenir le volant sont indispensables !

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